samedi 20 mars 2010

Les fanions de compagnie et du chef de corps

La définition qu'en donne le Larousse est la suivante : petit drapeau employé à divers usages ; c'est bref et simple ; en fait c'est un morceau de tissu fixé à une hampe pour un usage pratique bien déterminé, sans qu'à l'origine aucune signification symbolique ne lui ait été donnée.

LES ORIGINES
Pour la première fois, on parle de lui dans le texte de 1469 organisant le corps des francs-archers, où il est prescrit aux capitaines - généraux de faire porter devant eux un fanion blanc. Il est aussi mentionné en 1661 comme un morceau de serge fixé à une hampe et, souvent décoré aux couleurs du régiment ou du chef, il sert au tracé des camps, aux alignements, aux jalonnements, à la figuration conventionnelle des unités non présentes, etc ... En bref, un rôle purement utilitaire, ses couleurs et son dessin n'ayant qu'un but d'identification.

UNE REGLEMENTATION PRECISE
C'est le 25 décembre 1811 que sort une réglementation précise. Les fanions sont carrés de 0,812 m de côté, sans franges ni cravates, ni inscriptions, les couleurs seront le blanc pour le 2° Bataillon, le rouge pour le 3°, le bleu pour le 4°, le vert pour le 5°, le jaune pour le 6°; le 1° Bataillon n'avait pas de fanion puisqu'il avait la garde de l'aigle. Les fanions n'étaient prévus que pour l'infanterie. Il est manifeste que dans l'idée de l'empereur les fanions ne devaient être que des objets utilitaires sans importance symbolique afin que l'ennemi ne puisse les prendre comme trophées. Mais à cette époque, les régiments étaient rarement rassemblés : le 5° bataillon était celui de Dépôt, les 4° et 6° étaient souvent des régiments provisoires. De ce fait, ces formations étaient dépourvues d'aigles et la tendance des chefs de bataillon fut de donner plus d'importance aux simples fanions d'alignement.
Avec la Restauration, le fanion disparaît, n'ayant plus d'utilité. En effet, les drapeaux des bataillons sont rétablis, chacun avec ses couleurs distinctives. Mais en 1822, avec la reconstitution des régiments, on revient au drapeau unique, d'où la réglementation des fanions. Le 1° bataillon l'a de couleur distinctive correspondant avec celle de l'uniforme, bleu, écarlate, jaune, cramoisi, orange, bleu céleste, brun suivant la série, le 2° bataillon l'a blanc et le 3° a un tranché (ou taillé suivant le côté où l'on regarde) de la couleur distinctive et de blanc. Néanmoins nous avons relevé dans une gravure parue en 1912 dans "Le carnet de la Sabretache" des fanions de compagnies d'élite du 10° de ligne : un bleu foncé à grenade rouge, et un autre bleu foncé à cor de chasse jonquille. Ces fanions étaient placés au sommet des tentes. A partir de 1830, le 2° bataillon prend le fanion tricolore et, depuis, une réglementation analogue s'est continuée jusqu'en 1914, prévoyant de simples fanions d'alignement sans ornement ni inscription. Cette réglementation ne concernait que l'infanterie, et il semble bien qu'avant 1914, les armes montées n'aient jamais eu de fanion.

FANIONS DE BATAILLON ET DE COMPAGNIE
Les Tirailleurs algériens, les "Turcos", furent à l'origine des fanions de bataillon et de compagnie. En effet, pour ces régiments, le drapeau restait à la portion centrale avec le colonel, et les compagnies étaient souvent isolées dans les petites localités du bled. De ce fait, les capitaines éprouvèrent le besoin d'avoir un emblème symbolisant l'unité; cette idée fut approuvée en haut lieu, et un texte du 20 janvier 1857 réglementa ces fanions qui étaient à la couleur du bataillon avec bordure et ornement aux couleurs de la compagnie, les ornements se limitant à une main accompagnée de quatre croissants, un dans chaque angle, le tout en drap découpé et cousu. Pas d'inscription, pas de frange, la hampe étant surmontée d'une simple boule de cuivre.


UN ERSATZ DE DRAPEAU
Déjà le fanion prenait un caractère symbolique très marqué et devenait un ersatz de drapeau. Sous le Second Empire, le régiment des Zouaves de la Garde était à deux bataillons. A partir de 1863 et jusqu'en 1870, il fut complété par un bataillon de Tirailleurs prélevé à tour de rôle sur les trois régiments.
A l'occasion de son arrivée à Paris, ce bataillon recevait un très beau fanion dont un exemplaire est encore conservé au Musé de l'Infanterie à Montpellier. Ce fanion était en soie brodée d'or avec une banderole portant le nom du régiment surmontée de la couronne impériale accompagnée dans les angles de croissants soutenant le numéro du bataillon.

UNE PROLIFERATION DE FANIONS
La mode des fanions de compagnie fut adoptée par les chasseurs à pied, certainement à l'imitation des turcos, lors de séjours de divers bataillons en Algérie. Ces fanions, dont la création restait à l'initiative des chefs de corps, se généralisèrent au cours de la Grande Guerre. C'est d'ailleurs durant cette période que le fanion se répandit dans toute l'Armée et prit une importance grandissante du fait qu'à chaque citation collective attribuée à une unité, la Croix de Guerre était solennellement accrochée au fanion sur le front des troupes. C'est souvent à l'occasion de cette citation que le fanion était créé, parfois même pour des formations plus petites que la compagnie : la prolifération de ces fanions qu'aucun règlement ne contrôlait, fut immense, et la variété de la symbolique considérable.

LA MARQUE SYMBOLIQUE DE L'UNITE
Dès lors, la mode lancée se développa, et rares étaient les compagnies qui, en 1939, n'avaient pas leur fanion. Dans la Cavalerie et surtout dans l'Artillerie, les fanions étaient assez peu répandus. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre Mondiale que le fanion fit l'objet d'une réglementation, d'abord par une circulaire très brève du 23 mars 1949, et plus tard par une circulaire du 26 mai 1953 beaucoup plus détaillée, précisant le cadre de la symbolique du fanion et faisant obligation au créateur de déposer une demande d'homologation. Dans son titre III alinéa 1, l'instruction précise :
"Le fanion est pratiquement devenu la marque symbolique de l'unité au même titre que l'insigne de tradition."
Cette instruction confirme également le choix des couleurs traditionnelles de chaque unité à l'intérieur du corps; ces couleurs ne sont pas celles des fanions d'alignement réglementaires avant 1914, mais celles des pompons portés sur les coiffures à la même époque. Par exemple, les bataillons d'un régiment ont dans l'ordre des numéros les couleurs bleu, rouge, jonquille, et vert; les compagnies ont les mêmes couleurs, les fanions de ces dernières présentant la combinaison des deux couleurs : par exemple la 5° Cie du 2° Bon (qui était la 1° du bataillon) devait avoir un fanion bleu et rouge. Lorsque les deux mêmes couleurs se rencontrent, l'une d'elles, en principe celle de la compagnie, est remplacée par le blanc ou le bleu ciel.
Le fanion tricolore est désormais interdit. L'instruction fixe les autres détails en laissant un choix assez étroit aux créateurs. De ce fait, les fanions modernes, s'ils y ont gagné en rigueur dans la symbolique, ont beaucoup perdu en variété et en fantaisie.


LES FANIONS DE COMMANDEMENT
Ils sont depuis longtemps réglementés par les bulletins officiels. Ils sont réservés aux Officiers Généraux suivant un code précis, un peu comme les marques de la Marine. Mais, depuis 1940, une mode est née, et on voit très souvent figurer sur ces fanions, au centre l'insigne de tradition de la grande unité. Le fanion de commandement a été aussi adopté par les chefs de corps, ce qui n'est absolument pas réglementaire, car en dehors des fanions d'unité, seuls sont admis ceux des unités inférieures à la compagnie sous réserve que cette petite formation ait fait l'objet d'une citation collective. Les fanions du chef de corps sont très variés.

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