lundi 24 mars 2008

Historique du quartier : Mission "Torture"

Après la capture par Denys Boudard et Jean Hébert d'un avion allemand à Carpiquet, le 29 avril 1941, pour rejoindre le Général de Gaulle, les Services Secrets anglais, étonnés par la facilité avec la quelle ils avaient pu s'en emparer, décidèrent de mener une grande opération de sabotage de la base aérienne de Caen-Carpiquet. Il y avait là en effet plus d'une centaine d'avions, qui semblaient faciles à approcher.

Préalablement à cette vaste opération il fallait confirmer les déclarations des deux jeunes pilotes français concernant les conditions d'accessibilité à cette base. C'est ainsi que fut organisée par le SOE, section RF, la mission "Torture". On rappellera ici ce qu'était le SOE : Spécial Operations Executive, service secret britannique, chargé de mener tous types d'actions dans les territoires occupés. Pour la France, le SOE se compose de deux sections distinctes. La section F, purement britannique, qui n'a aucun contact avec la France Libre et la section RF qui travaille pour de Gaulle. Il y aura longtemps une certaine animosité entre ces deux sections.
C'est dans un contexte de relations délicates entre les Anglais et les gaullistes que se prépare la mission Torture, sans grands moyens. Il s'agissait notamment d'organiser un service de renseignement dans la région caennaise et en particulier de recueillir toutes les informations sur la base de Carpiquet. A la lune de juillet, dans la nuit du 8 au 9, un stick de deux agents est largué, "in blind" aux environs de Rots, petit village non loin de cette base. Il est composé du lieutenant Henri Labit, très jeune observateur de l'armée de l'Air, né à Mézin en 1920 et du caporal de l'armée de l'Air : Jean-Louis Cartigny radio-opérateur, né à Paris en 1913, dont l'indicatif était : TAB W.

Leur mission est notamment, d'étudier avec précision les possibilités de sabotage de la base. Ce qui paraissait n'être qu'une simple formalité se révéla une catastrophe. En effet des traîtres français en contact avec la Gestapo dénoncèrent les deux agents. Henri Labit put s'échapper mais Jean-Louis Cartigny fut arrêté, condamné à mort et fusillé le 4 février 1942 au stand de tir de la caserne du 43ème d'artillerie à Caen. Son nom figure sur le monument de l'avenue G. Guynemer de cette ville.

La mission "Torture" sera partiellement reprise et réussie en août 1941. L'agent Burdeyron durant deux jours relève le plan de la base, les défenses et les installations. C'est par l'intermédiaire d'un autre agent de Caen, Pierre de Vomécourt que ces informations sont transmises au SOE. Gaston Burdeyron sera arrêté, ainsi que Pierre de Vomécourt, fin Avril 1942.

Henri Labit passé en zone libre organisera notamment le réseau de résistance : "Action R4" dans la région de Toulouse, ville qu'il connaissait bien pour y avoir effectué son entraînement au Centre d'Instruction de Bombardement en Juin 1940. Affecté à l'État-Major particulier du Général de Gaulle, il retourne à Londres le 14 janvier 1942. Il est nommé lieutenant le 19 de ce mois. Henri Labit sera à nouveau parachuté, dans la nuit du 2 au 3 mai 1942, à Sore dans les Landes, dans le cadre de la mission Bass. Il sera arrêté à Langon en tentant de franchir la ligne de démarcation. Après un échange de coups de feu, Henri Labit, cerné de toutes parts, se donnera la mort en avalant sa capsule de cyanure. Il sera fait "Compagnon de la Libération" à titre posthume le 13 juillet 1942. Promu commandant à dater du 1er mai 1942 il deviendra chevalier de la Légion d'Honneur. Il est inhumé au cimetière de la Chartreuse à Bordeaux.

Malgré la réussite partielle de la mission "Torture", la vaste opération de sabotage envisagée de la base de Caen-Carpiquet n'aura pas lieu.
En août 1944, un couple de Français qui avaient dénoncé Jean-Louis Cartigny et Henri Labit pour de l'argent, seront arrêtés. Ils seront jugés et condamnés pour haute trahison en décembre de la même année.



Plan de la base aérienne de Carpiquet relevé par la résistance française.

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